DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur les régimes de retraite, L.R.O. 1990, chap. P.8 (la «Loi»);
ET DANS L'AFFAIRE DE la décision du surintendant des régimes de retraite de l'Ontario (le «surintendant») en date du 13 janvier 1997 relativement au transfert de l'actif du régime de retraite du personnel hospitalier des Sœurs de Saint-Joseph du diocèse de Toronto dans le Haut-Canada, numéro d'enregistrement 302851 (le «régime de retraite») aux régimes de retraite du St. Joseph's Health Centre, du Providence Centre et de Morrow Park (les «nouveaux régimes»);
ET DANS L'AFFAIRE DE la tenue d'une audience conformément au paragraphe 89 (8) de la Loi.
ENTRE :
LE SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,
SECTIONS LOCALES N°s 1144 et 1590 («SCFP»)
Requérant
-et-
LE SURINTENDANT DES RÉGIMES DE RETRAITE,
LES SOEURS DE SAINT-JOSEPH DU DIOCÈSE DE TORONTO
DANS LE HAUT-CANADA (les «Sœurs»), L'HÔPITAL ST. MICHAEL'S,
LE ST. JOSEPH'S HEALTH CENTRE et LE PROVIDENCE CENTRE
(les «hôpitaux»)
Intimés
DEVANT :
C.S. (Kit) Moore, président
M. Elizabeth Greville, membre
David E. Wires, membre
COMPARANTS :
Pour le SCFP :
M. M. Zigler
M. R. Tomassini
Pour le surintendant des régimes de retraite :
Mme D. McPhail
Mme L. McDonald
Pour les Soeurs et les hôpitaux :
Mme F. Kristjanson
M.. A. Fanaki
Dates de l'audience :
26 et 27 octobre et 17 novembre 1998
Toronto, Ontario
Décision publiée le :
18 décembre 1998
Toronto, Ontario
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le surintendant des régimes de retraite de l'Ontario (le «surintendant») a refusé d'accorder les mesures de redressement demandées par les sections locales nos 1144 et 1590 du Syndicat canadien de la fonction publique («SCFP»), notamment la requête du SCFP que le surintendant rende un ordre en vertu du paragraphe 87 (1) de la Loi précisant que le régime de retraite du personnel hospitalier des Sœurs de Saint-Joseph du diocèse de Toronto dans le Haut-Canada, numéro d'enregistrement 302851, (le «régime de retraite») et ses régimes subséquents constituent un régime de retraite interentreprises (un «RRI»). Le SCFP a déposé une demande d'audience en vertu de l'article 89 de la Loi auprès de la Commission des régimes de retraite de l'Ontario (la «Commission») lui demandant de rendre des ordonnances concernant : (i) l'administration du régime de retraite en vertu de l'alinéa 8 (1) e); (ii) le transfert proposé de l'actif aux nouveaux régimes des hôpitaux; (iii) le statut des nouveaux régimes. À la suite d'une audience sur la compétence de la Commission à l'égard de ces questions, la Commission a établi qu'elle avait la compétence nécessaire pour déterminer si le régime de retraite est un régime de retraite interentreprises en vertu de l'alinéa 8 (1) e) de la Loi («la question du RRI») et a refusé de se prononcer sur sa compétence à l'égard des autres questions avant d'avoir réglé la question du RRI.
Faits
Les faits suivants font partie de l'exposé conjoint des faits sur les questions de compétence soumis au comité d'audience avec le consentement de toutes les parties à cette audience.
En date du 1er janvier 1958, les Sœurs de Saint-Joseph du diocèse de Toronto dans le Haut-Canada (les «Sœurs») ont établi un régime de retraite pour certains employés et y ont apporté subséquemment certaines modifications.
Dans l'article 1.20 du régime de retraite, modifié et mis à jour au 1er janvier 1992, le terme «employé» désigne tout employé qui travaille à temps plein ou à temps partiel dans un hôpital, mais exclut toute personne qui est un employé occasionnel ou temporaire de l'hôpital ou qui est rémunéré aux termes d'un contrat pour des services spéciaux ou selon un régime de rémunération des services.
Dans l'article 1.21 du régime, «employeur» désigne aux fins du présent régime seulement, les Sœurs de Saint-Joseph du diocèse de Toronto dans le Haut-Canada en qualité d'employeur dans les hôpitaux.
Le terme «hôpital» est défini dans l'article 1.23 du régime de la manière suivante : «hôpital» désigne, en ce qui concerne un employé, soit la Fort Bonne Association de l'Ontario, le St. Joseph's Health Centre, l'hôpital St. Michael's, le Providence Centre (anciennement Providence Villa and Hospital), soit les Sœurs de Saint-Joseph du diocèse de Toronto dans le Haut-Canada en ce qui concerne les employés des Sœurs de Saint-Joseph dudit diocèse dont les fonctions se rapportent aux hôpitaux susmentionnés ainsi qu'à tout autre centre de soins de santé des Sœurs de Saint-Joseph tel qu'il est désigné de temps à autre par celles-ci.
Le terme «administrateur» défini dans l'article 1.03 du régime désigne les Sœurs de Saint-Joseph du diocèse de Toronto dans le Haut-Canada en leur qualité d'administrateur en vertu de la Loi sur les régimes de retraite et de la Loi de l'impôt sur le revenu.
En 1994, la Commission a reçu une lettre écrite au nom des Sœurs l'informant que le St. Joseph's Health Centre et le Providence Centre seraient constitués en sociétés distinctes le 1er janvier 1995 et que le régime des Sœurs serait divisé à partir de cette date en deux nouveaux régimes qui s'appliqueraient aux deux nouvelles sociétés. On y indiquait aussi que l'hôpital St. Michael's serait constitué en société le 1er janvier 1996, le régime des Sœurs devenant à ce moment le régime de l'hôpital St. Michael's. Le 6 décembre 1994, les Sœurs ont envoyé des lettres aux participants au régime de retraite les informant de leur intention de constituer en sociétés le Providence Centre et le St. Joseph's Health Centre le 31 décembre 1994 et l'hôpital St. Michael's un an plus tard.
Les Sœurs ont modifié et mis à jour le régime au 1er janvier 1995. Le préambule au régime modifié et mis à jour stipule en partie ce qui suit :
À compter du 1er janvier 1995, tous les éléments d'actif et de passif en ce qui concerne les employés actuels ou anciens du St. Joseph's Health Centre et les employés actuels ou anciens du Providence Centre, qui participaient au régime, ou les conjoints, ex-conjoints, bénéficiaires, enfants à charge ou corentiers d'anciens participants admissibles aux prestations conformément aux conditions du régime au 31 décembre 1994, sous réserve de l'autorisation réglementaire, seront transférés respectivement au régime de retraite du St. Joseph's Health Centre et au régime de retraite du Providence Centre.
En 1996, le surintendant a reçu des observations écrites au nom du SCFP s'opposant à la division du régime de retraite par les Sœurs et au transfert de l'actif. Il a également reçu des observations écrites présentées au nom des Sœurs qui répondaient à celles du SCFP.
Le 13 janvier 1997, le surintendant a écrit au conseiller juridique du SCFP pour l'informer qu'il refusait d'accorder les mesures de redressement que ce dernier lui avait demandées dans ses observations écrites. Notamment, le surintendant a refusé de rendre un ordre en vertu du paragraphe 87 (1) déclarant que le régime de retraite et ses régimes subséquents constituent un régime de retraite interentreprises conformément à une convention collective ou à un contrat de fiducie au sens de l'alinéa 8 (1) e) de la Loi. À la même date, le surintendant a consenti au transfert de l'actif du régime de retraite au régime de retraite du St. Joseph's Health Centre et à celui du Providence Centre.
Le 27 janvier 1997, des lettres ont été envoyées, au nom du SCFP, au surintendant et au conseiller juridique des Sœurs déclarant que le SCFP avait l'intention de faire appel des décisions du surintendant en date du 13 janvier 1997 et demandant que le transfert de l'actif soit suspendu en attendant les résultats de l'appel.
Le 11 février 1997, une demande d'audience en vertu de l'article 89 de la Loi a été soumise à la Commission au nom du SCFP.
Questions préliminaires
À la suite d'une première conférence préparatoire à l'audience et d'une conférence téléphonique à laquelle participaient toutes les parties, une seconde conférence préparatoire a été tenue au cours de laquelle on a soulevé une question préliminaire, à savoir si la Commission avait la compétence nécessaire pour tenir l'audience. Les parties ont convenu de débattre la question de compétence avant de discuter du fond de l'affaire. La Commission a reçu des observations écrites sur la question, a entendu des plaidoyers et a avisé les parties, dans une lettre en date du 13 mars 1998, qu'elle avait établi qu'elle avait la compétence nécessaire pour déterminer si le régime de retraite était un régime de retraite interentreprises au sens de la Loi. Les motifs de cette décision ont été publiés dans la décision du 24 avril 1998, qui a été modifiée le 13 mai 1998.
Lors de l'audience sur la question de compétence, on a également demandé au comité d'audience d'établir sa compétence à l'égard de quatre autres questions relatives à la division du régime de retraite, au transfert de l'actif, à l'article 80 et à l'article 81 de la Loi. Dans une lettre datée du 29 mai 1998, la Commission a avisé les parties qu'elle n'avait pas la compétence nécessaire pour tenir une audience en vertu de l'article 89 de la Loi en ce qui a trait à ces quatre autres questions. Les motifs de cette décision ont été publiés dans la décision du 29 mai 1998.
Lors d'une autre conférence préparatoire à l'audience tenue le 15 juin 1998, les parties ont convenu que la divulgation de certains documents demandés par le SCFP était contestée. Une audience a été tenue sur la question de divulgation le 27 juillet 1998 devant tout le comité. La Commission a reçu des observations écrites sur la question, a entendu des plaidoyers et a avisé les parties, dans une lettre, que tous les documents demandés par le SCFP et pertinents aux questions faisant l'objet de l'audience sur la question du RRI devaient être divulgués par les Sœurs à la demande du SCFP en toute confidentialité. Les motifs de cette décision ont été publiés dans une décision rendue le 9 septembre 1998.
Question
Le régime de retraite est-il un régime de retraite interentreprises («RRI») au sens de la Loi, qui doit par conséquent être administré conformément à l'alinéa 8 (1) e) de la Loi?
Lois pertinentes
L'article 1 de la Loi comprend les définitions suivantes :
1. «employeur» En ce qui concerne un participant ou un ancien participant à un régime de retraite, la ou les personnes ou l'organisation desquelles le participant ou l'ancien participant reçoit ou a reçu une rémunération à laquelle se rapporte le régime de retraite.
1. «régime de retraite interentreprises» Régime de retraite établi et maintenu pour les employés de deux employeurs ou plus qui cotisent ou au nom de qui des cotisations sont versées à une caisse de retraite en raison d'un accord, d'une loi ou d'un règlement municipal, afin de fournir une prestation de retraite qui est fixée en fonction du service auprès d'un ou de plusieurs de ces employeurs. Est exclu, toutefois, un régime de retraite où tous les employeurs sont membres du même groupe au sens de la Loi sur les sociétés par actions.
Les extraits suivants de la Loi sont également pertinents :
8. (1) Un régime de retraite n'est admissible à l'enregistrement que s'il est administré par un administrateur qui est, selon le cas :
e) si le régime de retraite est un régime interentreprises établi conformément à une convention collective ou à un contrat de fiducie, un conseil de fiduciaires qui est constitué conformément au régime de retraite ou à un contrat de fiducie établissant le régime de retraite et dont au moins la moitié est constituée de représentants des participants au régime de retraite interentreprises. La majorité de ces r1eprésentants sont citoyens canadiens ou résidents permanents.
87. (1) Dans les circonstances mentionnées au paragraphe (2) et sous réserve de l'article 89 (audience et appel), le surintendant peut, au moyen d'un ordre écrit, demander à un administrateur ou à une autre personne de prendre ou de s'abstenir de prendre des mesures à l'égard d'un régime de retraite ou d'une caisse de retraite.
(2) Le surintendant peut rendre un ordre en vertu du présent article s'il est d'avis, en se fondant sur des motifs raisonnables et probables :
a. soit que le régime de retraite ou la caisse de retraite n'est pas administré conformément à la présente loi, aux règlements ou au régime de retraite;
b. soit que le régime de retraite n'est pas conforme à la présente loi et aux règlements;
c. soit que l'administrateur du régime de retraite, l'employeur ou l'autre personne contrevient à l'une des exigences de la présente loi ou des règlements.
89. (1) Si le surintendant a l'intention de refuser d'enregistrer un régime de retraite ou une modification apportée à un régime de retraite, ou de révoquer un enregistrement, il signifie un avis d'intention, motivé par écrit, à l'auteur de la demande ou à l'administrateur du régime.
(2) Si le surintendant a l'intention de rendre un ordre en vertu de l'une des dispositions suivantes :
e) l'article 87 (administration du régime de retraite en contravention de la loi ou du règlement), le surintendant signifie un avis d'intention, motivé par écrit, à l'administrateur et à la personne à qui le surintendant a l'intention d'adresser l'ordre.
(6) Un avis signifié en vertu du paragraphe (1), (2), (3), (4) ou (5) indique que la personne qui reçoit signification de l'avis a le droit d'être entendue par la Commission si elle remet à cette dernière, dans les trente jours qui suivent la signification de l'avis en vertu de ce paragraphe, un avis écrit demandant une audience. La personne peut ainsi demander une audience.
94. (4) Le surintendant exerce les pouvoirs et les fonctions qui lui sont conférés par la présente loi, les règlements et la Commission.
96. Il incombe à la Commission
a) d'administrer la présente loi et les règlements
Arguments
Le SCFP soutient que le régime de retraite correspond à la définition de régime de retraite interentreprises au sens de l'article 1 de la Loi et qu'il doit par conséquent être administré conformément à l'alinéa 8 (1) e) de la Loi. Les arguments invoqués par celui-ci sont résumés de la façon suivante :
Avant leur constitution en société, les hôpitaux fonctionnaient en tant que divisions et entités sans personnalité morale. Chaque hôpital considérait être une organisation distincte et était perçu en tant que tel en vertu d'autres lois. Chaque hôpital se décrivait en terme d'organisation et comportait un conseil d'administration pour superviser et surveiller ses activités de fonctionnement. En plus d'avoir un conseil d'administration, chaque hôpital avait, à l'instar des sociétés distinctes, des états financiers vérifiés, un directeur général, d'autres signataires autorisés et des règlements internes.
Les rapports annuels du régime de retraite indiquaient que les hôpitaux étaient des employeurs cotisants, et le libellé du régime de retraite était ambigu à ce sujet. Les conventions collectives étaient conclues séparément par chaque hôpital et exigeaient la participation des employés des hôpitaux au régime de retraite. Ce sont les hôpitaux et non les Sœurs qui étaient inscrits en tant qu'employeur sur les talons des chèques de paie et les feuillets d'impôt sur le revenu des employés. Depuis 1959, la Sœurs ont très peu contribué financièrement, voire pas du tout, aux coûts des hôpitaux, financés en grande partie par le gouvernement.
- Le SCFP soutient que chaque hôpital, selon une interprétation libérale et téléologique de la Loi, correspond à la définition de «employeur», qui comprend une référence à «...la ou les personnes ou l'organisation desquelles le participant ou l'ancien participant reçoit ou a reçu une rémunération à laquelle se rapporte le régime de retraite.». Le SCFP soutient de plus que le régime de retraite n'est pas «un régime de retraite où tous les employeurs sont membres du même groupe au sens de la Loi sur les sociétés par actions.» et que, par conséquent, il n'est pas exclu de la définition de «régime de retraite interentreprises» de la Loi.
Les intimés, soit les Sœurs et les hôpitaux, soutiennent que le régime de retraite ne correspond pas à la définition de régime de retraite interentreprises de l'article 1 de la Loi et que, de toute façon, il ne devrait pas être administré conformément à l'alinéa 8 (1) e) de la Loi. Leurs arguments sont résumés de la façon suivante :
Les Sœurs possédaient et géraient tous les comptes bancaires d'où provenaient les fonds servant à payer les salaires et les avantages sociaux des employés des hôpitaux, au nom commercial des hôpitaux, et les fonds accordés par le gouvernement étaient versés dans les comptes bancaires des Sœurs. Les Sœurs désignaient des signataires autorisés dans chaque hôpital mais aucun hôpital n'était habilité à contracter des emprunts ni à gérer ces comptes bancaires. L'exigence de la Loi sur les hôpitaux publics selon laquelle un hôpital doit être dirigé et géré par un conseil d'administration n'a pas signifié que les hôpitaux sont devenus des entités distinctes sur le plan juridique ni que l'on a fait abstraction du fait que les Sœurs sont l'employeur.
Avant la constitution en société des hôpitaux, ceux-ci étaient des divisions de l'entreprise des Sœurs. Les Sœurs étaient le seul employeur et l'unique source de rémunération des employés des hôpitaux. De plus, il n'existait aucun accord, aucune loi ni aucun règlement municipal qui exigeait qu'une personne ou une organisation autre que les Sœurs cotise au régime de retraite.
Lorsque l'employeur est une «personne» (comme c'était le cas des Sœurs), il faut alors y donner le sens intégral du terme «personne» qui fait partie des définitions de la Loi, mettant ainsi un terme à la demande. L'utilisation du terme «organisation» dans la définition ne vise pas à conférer un statut juridique distinct à des divisions de personnes.
Si la Commission déterminait que les Sœurs n'étaient pas le seul employeur, une interprétation téléologique de la Loi établirait que les hôpitaux étaient membres du même groupe puisque chaque hôpital est contrôlé par la même personne, soit les Sœurs.
- En dernier lieu, si la Commission déterminait que le régime de retraite était un régime de retraite interentreprises au sens de l'article 1 de la Loi, les intimés, soit les Sœurs et les hôpitaux, soutiennent que le régime de retraite n'a pas été établi initialement «conformément à une convention collective ou à un contrat de fiducie» et que, par conséquent, il ne serait pas assujetti à l'alinéa 8 (1) e).
Pour plusieurs des mêmes raisons invoquées par les autres intimés, le surintendant a soutenu également que les Sœurs étaient la seule source de rémunération des participants au régime de retraite et le seul employeur tenu de cotiser au régime de retraite et que, par conséquent, il ne s'agissait pas d'un régime de retraite interentreprises. Le surintendant a ajouté, à titre de seconde solution, que les Sœurs possédaient et contrôlaient les hôpitaux, signifiant que les hôpitaux étaient membres du même groupe que les Sœurs, et que le régime de retraite n'était pas un régime de retraite interentreprises.
Inertie et retard
Les intimés, soit les Sœurs et les hôpitaux, ont soutenu également qu'en raison du retard accusé par le SCFP dans le dépôt de la demande de cette audience et des préjudices que cela a causés aux Sœurs, la Commission devrait invoquer la doctrine de l'inertie, qui est équitable, et refuser d'accorder les mesures de redressement demandées par le SCFP dans cette affaire.
Le SCFP a soutenu que des efforts avaient été déployés au cours des dix dernières années pour tenter de régler la question du RRI, par exemple lors des discussions avec les Soeurs au sujet de la fusion du régime de retraite avec le régime de retraite des hôpitaux de l'Ontario. On fait référence à ces discussions dans le procès-verbal de la réunion du conseil général des Soeurs qui a eu lieu le 19 novembre 1992.
En raison de l'importance de la question du RRI, du manque de précision de la Loi en ce qui a trait à la possibilité de prendre en considération un retard de cette nature, et du temps passé par le SCFP aux discussions relatives au régime de retraite des hôpitaux de l'Ontario, le comité d'audience a conclu que le retard en question ne justifiait pas le refus de prendre la question du RRI en considération. Le comité est d'avis que l'inertie ne s'inscrit pas dans le cadre de l'article 113 de la Loi.
Raisonnement et résultat
Pour pouvoir prendre une décision quant à la question du RRI, le comité d'audience doit tout d'abord déterminer si le régime de retraite correspond à la définition de régime de retraite interentreprises de la Loi. Ce faisant, le comité doit répondre aux trois questions suivantes :
Le régime de retraite a-t-il été établi et maintenu pour les employés de deux employeurs ou plus?
Des cotisations ont-elles été versées au régime de retraite, par ces employeurs ou en leur nom, en raison d'un accord, d'une loi ou d'un règlement municipal?
- Les employeurs étaient-ils membres du même groupe au sens de la Loi sur les sociétés par actions?
Si les réponses du comité aux questions 1 et 2 sont affirmatives et la réponse à la question 3 est négative, cela signifie que le régime est un régime de retraite interentreprises. Le comité doit alors déterminer si le régime de retraite interentreprises est assujetti à l'alinéa 8 (1) e) de la Loi, qui exige que le RRI soit «établi conformément à une convention collective ou à un contrat de fiducie».
1. Le régime de retraite a-t-il été établi et maintenu pour les employés de deux employeurs ou plus?
Dans son argument voulant que les hôpitaux sont des employeurs distincts, le SCFP insiste sur l'impression qu'ont les employés que les hôpitaux sont des organisations distinctes responsables de la gestion du régime de retraite et d'autres activités associées à l'emploi. Par exemple, le comité a entendu les témoignages de représentants du SCFP selon lesquels le personnel des hôpitaux s'occupait directement des questions ayant trait à la convention collective. On a également fait référence aux rapports annuels du régime de retraite et aux documents de planification des hôpitaux qui indiquaient que les hôpitaux étaient les cotisants au régime de retraite et des organisations distinctes. Le SCFP a également fait remarquer que les talons des chèques de paie et les feuillets T4 d'impôt sur le revenu indiquaient que les hôpitaux et non les Sœurs étaient les employeurs, et que les opérations bancaires courantes étaient faites par les hôpitaux.
D'autre part, les mêmes représentants du SCFP ont témoigné qu'ils connaissaient très peu, voire pas du tout, le rôle joué par les Sœurs dans les questions relatives à l'emploi dans les hôpitaux. De plus, aucun de ces témoins ne faisait directement affaire avec les Sœurs quant à ces questions. À la lumière de ces deux faits, il n'est pas étonnant que ces témoins croyaient que les hôpitaux étaient les employeurs.
On a perçu une réalité bien différente lorsque le comité a entendu les témoignages de personnes connaissant les liens qu'avaient les Sœurs avec les hôpitaux ou qui prenaient part directement aux activités des Sœurs. Par exemple, on a appris que les Sœurs possédaient et géraient les comptes bancaires, au nom commercial des hôpitaux, et qu'elles désignaient des signataires autorisés, par résolutions adoptées par celles-ci. Tous les fonds reçus du ministère de la Santé en vertu de la Loi sur les hôpitaux publics étaient versés dans ces comptes, qui servaient à payer les salaires et les avantages sociaux.
Même si le nom des hôpitaux figurait sur les talons des chèques de paie et sur les feuillets T4, il ne fait aucun doute pour le comité d'audience que la rémunération des employés, à laquelle étaient rattachées les prestations de retraite, était payée à partir des comptes bancaires contrôlés par les Sœurs. Les Sœurs nommaient également les vérificateurs des états financiers des hôpitaux, et approuvaient les nominations des membres du conseil d'administration des hôpitaux et des autres cadres supérieurs ainsi que les règlements internes des hôpitaux. Non seulement les biens servant au fonctionnement des hôpitaux appartenaient aux Sœurs mais des preuves ont été présentées indiquant que les Sœurs pouvaient se servir des éléments d'actif d'un hôpital pour régler la dette d'un autre hôpital.
De l'avis du comité, aucun des trois hôpitaux ne contrôlait les comptes bancaires d'où la rémunération des employés provenait. Par le fait même, aucun de ceux-ci ne peut être considéré comme employeur au sens de la Loi. Les hôpitaux fonctionnaient plutôt comme des divisions commerciales d'un seul employeur, les Sœurs, qui possédaient toujours les hôpitaux et qui avaient conservé le pouvoir de les faire fonctionner.
Par conséquent, le comité conclut qu'avant la constitution en société des hôpitaux, le régime de retraite était établi et maintenu pour les employés d'un seul employeur, soit les Sœurs.
2. Des cotisations ont-elles été versées au régimes de retraite, par ces employeurs ou en leur nom, en raison d'un accord, d'une loi ou d'un règlement municipal?
Ayant établi qu'avant la constitution en société des hôpitaux, un seul employeur, soit les Sœurs, existait aux fins du régime de retraite, le comité s'est ensuite penché sur la question de savoir si des cotisations devaient être versées au régime de retraite, par plus d'un employeur, en raison d'un accord, d'une loi ou d'un règlement municipal. Le comité d'audience n'a eu aucune preuve que les cotisations au régime de retraite étaient versées en raison d'une loi ou d'un règlement municipal.
Y a-t-il eu un accord selon lequel les cotisations au régime de retraite devaient être versées par plus d'un employeur? Les Sœurs ont établi initialement le régime de retraite le 1er janvier 1958 par l'entremise d'un contrat collectif de rentes conclu avec La Compagnie d'Assurance du Canada sur la Vie, sur lequel figure uniquement le nom des Sœurs comme employeur cotisant au régime de retraite. Le contrat collectif ne mentionne nullement que les hôpitaux cotisent au régime de retraite. Un accord de fiducie conclu le 31 mars 1975 entre la Compagnie Trust National et les Sœurs prévoyait que les cotisations au régime de retraite versées au nom des employés de ses hôpitaux soient reçues par le fiduciaire. Cet accord ne fait nullement mention du fait que les hôpitaux cotisent au régime de retraite.
Les conventions collectives des membres du SCFP exigent la participation au régime de retraite mais on n'y mentionne pas le montant des cotisations, la façon dont ces cotisations doivent être versées ni qui les verse.
Le libellé du régime de retraite renferme les définitions suivantes :
1.20 «Employé» Tout employé qui travaille à temps plein ou à temps partiel dans un hôpital
1.21 «Employeur» Aux fins du présent régime seulement, les Sœurs de Saint-Joseph du diocèse de Toronto dans le Haut-Canada en qualité d'employeur dans les hôpitaux.
La section portant sur les cotisations au régime de retraite, en plus d'exiger la cotisation des employés, prévoit ce qui suit :
3.02 «L'employeur verse au régime de retraite les montants, selon un calendrier établie par les Sœurs de Saint-Joseph.»
Le libellé du régime de retraite renferme certaines ambiguïtés mais l'employeur y est défini clairement comme étant les Sœurs, et il y est indiqué que seuls les Sœurs et les employés sont tenus de cotiser au régime de retraite.
Par conséquent, le comité a conclu que les Sœurs sont le seul employeur tenu de cotiser au régime de retraite en raison d'un accord, d'une loi ou d'un règlement municipal.
3. Les employeurs étaient-ils membres du même groupe au sens de la Loi sur les sociétés par action?
Puisque le comité a conclu que les Sœurs sont le seul employeur cotisant au régime de retraite, et le seul employeur tenu de cotiser au régime de retraite, il n'est pas nécessaire de se pencher sur ce troisième aspect de la définition de RRI.
CONCLUSION
Pour ces motifs, le comité d'audience juge que le régime de retraite ne correspond pas à la définition de régime de retraite interentreprises au sens de la Loi et qu'il n'est donc pas assujetti aux exigences de l'alinéa 8 (1) e) de la Loi.
Signé ce 18e jour de décembre 1998, dans la ville de Toronto, province de l'Ontario.
C.S. (Kit) Moore, président
M. Elizabeth Greville, membre
David E. Wires, membre